Je suis fière de moi…
Je suis fière de moi…
Je suis fière de moi…
Je me rappelle de la première fois que j’ai prononcé cette phrase avec la pleine conscience du sentiment, il y a quelques années, après savoir que je suis autiste. Je revenais de l’épicerie, le poids m’essoufflait et marquait des bleus mes épaules et mes cuisses. Luka, mon fils prenait ma main, encore jeune pour rester tout seul à la maison.
Pourtant ce n’était pas la première fois que j’avais des raisons pour être fière, j’en ai eu beaucoup avant ce moment-là sans m’en apercevoir. Comme quand je me suis éloignée d’une personne violente ou quand je me suis défendu d’un harceleur. Il a fallu des années, de me connaître et de m’aimer avant me rendre compte,
Ce jour d’épicerie, ma fierté était d’avoir réussi la tâche toute seule. Une mission si banale pour la plupart du monde, mais tellement détestable et pénible pour moi en tenant compte de mon parcours. Ce sentiment de fierté a fait que l’effort et les marques sur ma peau étaient beaux et avec du sens. Le sentiment de la reconnaissance de mes capacités. Ce sentiment que je souhaite à tous.
Je clique sur #FiertéAutistique
Je clique sur #AutisticPrideDay
Je clique sur #OrgulloAutista
Sur Facebbok, sur Twitter.
Je pleure.
Ces larmes d’émotion sans description, coulent de constater que nous sommes de plus en plus nombreux. Mon fil d’actualités inondé des messages de fierté et d’espoir. L’année passée nous étions un petit groupe qui a publié quelques posts de façon individuelle.
Cette Journée de la fierté autistique, certains ont été actifs, créatifs et touchants dans ses messages remplis de vérité. Certains sont restés discrets. Certains ont pensé que nous n’avons pas le droit d’être fiers. Certains ont eu peur. Certains ne connaissent pas ce sentiment. Certains avec des situations que j’ignore.
Je suis solidaire avec tous et je vous dis merci. À tous. Les 8000 personnes atteintes par l’évènement sur ma page et les autres qui ont agi partout, organisés ou individuellement. Impossible de compter.
Merci spécialement à deux personnalités publiques qui ont été avec nous, Jean-François Roberge, député de Chambly et Charles Lafortune. Vous êtes porteurs de nos voix.
Être fier de soi ne veut pas dire que tout va bien et que la vie est facile. Être fier de soi veut dire de se regarder soit même comme un humain, juste précieux comme tout autre.
Lancer une action pour célébrer notre fierté ne veut pas dire non plus que la vie va de merveille ou que nous ne sommes pas solidaires avec ceux qui souffrent. Au contraire.
Croyez-vous qu’on consacrerait un samedi ensoleillé à manifester sur internet si tout allait bien? Si on était indifférent?
Jour après jour, les nouvelles et les témoignages montrent l’injustice. Je suis doublement susceptible quand elle frappe un autiste.
De façon spontanée, je ne vais pas aller vers la personne qui s’est fait mal au doigt devant moi, surtout si je sais qu’elle est capable de s’en occuper soi-même. Par contre, je vais agir contre ce qui fait mal aux autres personnes, dans les contextes que je connais. Oui, ma façon de montrer mon empathie et mon amour vers l’autre n’est pas classique.
«Sur les réseaux hispanophones, une fille autiste disait qu’elle n’a connu aucune personne autiste de plus de 13 ans qui n’a pas pensé au suicide. Je lui ai raconté que chez moi la première pensée a été à 8 ans. Nous voulons vivre et aimer notre vie, simplement. C’est l’une des raisons de cette journée.»
Quand on subit de l’injustice, la violence et l’exclusion, on peut réagir de façon variable. Se mettre en boule et pleurer dans la solitude. Crier. Aller pleurer chez un ami. Pousser. Se faire mal. Se plaindre du méchant. Échapper. Bref, beaucoup d’autres façons chacune digne du respect.
La mienne et de rester debout et répondre «arrête ! tu n’as pas le droit!» Comme beaucoup parmi vous.
Pourtant, je n’oserais même pas d’essayer de vous faire changer la votre.
Je vous dois cette explication comme gratitude à votre participation en cette journée. Je continuerai à en parler parce que mon engagement vient de l’intérieur et il pousse plus fort que tout.
J’espère qu’un jour on n’aura plus besoin de manifester en cette journée, parce que tout ira si bien qu’il ne sera pas nécessaire. On se souviendra peut-être, un samedi ensoleillé, pendant qu’on profite allongé dans le calme à lire un livre ou écouter la musique ou rire en groupe, tous en harmonie.
Dites-moi naïve, si vous voulez.
À l’année prochaine!
PS J’ai déménagé et mon épicerie est très proche mais c’est une autre histoire 😉
http://lucilaguerrero.com/wordpress/quest-ce-que-la-neurodiversite/
Ce retour sur la journée du 18 juin,jour de la Fierté autistique,était nécessaire. Merci de l’avoir écrit. Je comprends mieux la guérison qui vient avec et de vous savoir solidaire même de ceux qui sont discrets me rassure. Je suis maman d’une enfant autiste de 5 ans. Je suis en questionnement pour moi-même (Dépression? Épuisement? Asperger? Cyclothimique?).
Je suis fière de ma fille. Elle est éblouissante. Vraie,intense,entière et pleine de talents. Je suis fière de moi. Je mène la barque seule. Papa suit le courant et rame peu. J’apprends tous les jours comment vivre en harmonie avec ma fille et avec l’autisme. C’est pas rien.
Pourtant, à titre de neurotypique (jusqu’à preuve d’autre chose) je ne me sentais pas concernée, donc pas en droit de revendiquer cette fierté…je n’avais pas compris l’essence de cette journée.
Merci Lucila encore pour votre texte,j’ai compris ?
Il y a plusieurs sens du mot fierté et elle se présente de plusieurs manières.
L’une d’elles, quand elle devient ce qui nous accroche à l’estime de soi et à la vie.