Autisme / Neurodiversité · avril 23, 2015

Devrions-nous continuer à dire « Autisme » ?

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Yerba mate, photographie, 2015


Est-ce qu’on peut parler de non-autisme pour comprendre les personnes non autistes ?  Pour savoir interagir avec eux??
Ma réponse est non. Et probablement aussi la vôtre.
Simplement parce que les non-autistes ne sont pas pareils entre eux.
Bien, les autistes non plus.

Le mot autisme a été créé par le psychiatre Eugen Bleuler. En 1911, il a publié un ouvrage sur la schizophrénie où il utilisait le mot «?autisme?» comme un symptôme et pour décrire la perte de contact avec la réalité. Le mot est donc né dans un contexte médical et de maladie.

Depuis, le concept initial a beaucoup évolué : il est devenu officiellement et cliniquement un trouble et non plus une maladie. (Une petite recherche sur l’histoire de la terminologie concernant à la condition autistique pourra mieux vous informer à ce sujet). Nous constatons également que le sens du mot continue à évoluer. Depuis que les personnes autistes prennent la parole, on entend des nouvelles propositions, déjà acceptées par des spécialistes de certains pays du monde, le changement du mot trouble par condition par exemple.

Pourtant le mot «autisme» reste bien enraciné dans nos expressions pour désigner un groupe et prétendre que des descriptions et des «?recettes générales?» pourraient s’appliquer en masse dans le but de nous aider.

Tu es autiste? Alors, tiens ton ICI, ta classe spécialisée. On te colle automatiquement un titre de trouble, un autre de handicap et d’autres pour tes déficiences. N’ose pas répondre parce qu’on t’ajoutera d’autres troubles.

Si on cherche à faire sortir l’autisme de la pathologie, pourquoi devrait-on continuer l’utilisation d’un mot dans un sens associé étroitement à l’usage médical? En plus qui généralise?

Si la condition autistique fait partie de nos caractéristiques humaines, comme la couleur de la peau, la préférence sexuelle, la forme du corps, le poids ou le pays d’origine, pourquoi devrait-on la nommer de cette façon médicale?

Est-ce que nous disons : le pérouvienisme ou l’hétérosexualisme ou le brunisme pour parler du fait d’être péruvien, hétérosexuel ou brun??
Non.
Nous disons plutôt : il est péruvien. Elle est hétérosexuelle. Elle est brune.

Donc : Il est autiste. Elle est autiste.

Est-ce que nous disons : mon pérouvienisme ou mon hétérosexualisme ou mon brunisme pour se décrire comme un individu péruvien, hétérosexuel ou brun??
Non.
Nous disons plutôt : je suis péruvien(ne). Je suis hétérosexuel (le). Je suis brun(e).

Donc : Je suis autiste.

Ensuite, si je dis que je suis péruvienne, vous n’allez pas connaitre les détails de ma personnalité. Si je dis que je suis autiste, c’est pareil. Vous n’allez pas savoir beaucoup sur moi et mes caractéristiques individuelles.

Ainsi, le mot «autisme» généralise. Et nous sommes aussi divers que les non-autistes. La généralisation favorise dangereusement la conception des mythes et préjugés, ce que nous essayons justement de combattre.

Personnellement, ça fait longtemps que j’évite le mot autisme. Sauf dans de rares contextes qui représentent l’exception.

Je propose alors, pour finir, l’utilisation d’une expression plus juste :

 la personne autiste.

Tout simplement. Nous serions alors en train de reconnaitre en même temps l’individu. L’être humain. Unique.

Tu es autiste? Alors, parlons de tes caractéristiques, de tes forces et de tes besoins, si tu veux.

Et ça nous amène à la question :
qui a le droit de parler au nom des autistes?
et dans quels circonstances ?

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