Autisme / Neurodiversité · octobre 27, 2025

De plus. Difficile de dire « je suis désolée »

Un texte qui resonne en moi

À la lecture de l’article «Ils sont légion» paru le 15 octobre 2025 dans Le Devoir, rédigé par la pédopsychiatre et sociologue Céline Lamy, je suis restée sans mots tant ce texte est fort et rempli de vérité. L’article décrit la souffrance vécue par de nombreuses personnes autistes, comme moi, souvent épuisées d’avoir tenté toute leur vie de s’adapter à des systèmes qui ne les reconnaissent pas. Ses mots résonnent profondément en moi. Comme elle le souligne, ce sont souvent les institutions que par leur manque de reconnaissance, d’écoute ainsi que leurs procédures rigides qui augmentent la détresse des personnes qui cherchent un peu de réconfort, et d’aller mieux. Ces personnes qu’elles devraient soutenir et protéger.

L’absence de reconnaissance: une nouvelle blessure

Récemment, une amie m’a raconté son expérience dans le milieu de la santé. Elle avait déposé une plainte officielle à propos d’approches qu’elle avait vécues comme irrespectueuses. Sa parole n’a pas été reconnue. On lui a simplement répondu qu’il n’était pas possible de vérifier ce qui s’était passé puisque ce n’était pas dans le rapport. Zéro excuse. Notons que, c’est logique qu’il n’y a pas des notes parce que les usagers ne peuvent pas écrire de notes dans son propre dossier de santé.

Je me suis demandé ce que cela fait à une personne déjà blessée, quand sa détresse n’est pas reconnue, quand elle ne reçoit même pas un geste pour la réconforter. Je peux imaginer la solitude, la frustration, la colère ou la tristesse qui montent encore plus fort. Est-ce que, dans ce cas, la détresse disparaît ? J’ai l’impression que non. Au contraire, elle va probablement s’amplifier, car l’absence de reconnaissance devient une nouvelle blessure.

Je repense à d’autres situations vécues. Il y en a plusieurs dans mes souvenirs. Par exemple, quand j’ai moi-même signalé qu’une parole m’avait fait mal, on m’a répondu : « Ah non. Tu dois interpréter mon message de cette façon. » Était-ce une manière de m’aider à comprendre ? Ou était-ce une façon d’imposer une seule lecture possible de ce que j’avais ressenti ?

Permettez-moi un dernier exemple. Nous, les personnes autistes entendons souvent le jugement « tu es rigide » alors qu’en réalité, la personne qui offre le service n’arrive pas à comprendre nos expériences ni nos raisons de refuser une idée. Qui est le plus rigide, lorsqu’une personne est convaincue que son protocole de soins s’applique à tout le monde et insiste pour qu’on l’adopte ? Dans ce cas, la personne ayant le pouvoir de juger sur un rapport signalera la personne autiste. Facile !

Le pouvoir d’un « Je suis désolée »

Et si, on disait simplement : « Je comprends que mes paroles ou mes actions aient pu te blesser. Je suis désolée. » ou « Je n’arrive à comprendre tes raisons, veux-tu m’expliquer ? » Est-ce que ce simple geste pourrait déjà être une forme de réparation ? Poser un tel geste ne demande aucun budget.

Je me demande souvent pourquoi il est si difficile de présenter des excuses lorsqu’une personne dit qu’elle a été blessée, qu’on a mal interprété son besoin ou qu’elle sent qu’on ne la croit pas. Pourquoi, dans les milieux professionnels ou institutionnels, reconnaître qu’on a fait mal semble parfois plus compliqué que de laisser la blessure ouverte ?

Quand une personne dit qu’elle a été blessée, cherche-t-elle vraiment à blâmer ? Ou cherche-t-elle simplement à être reconnue, entendue, comprise, ou encore, à ce que la situation s’améliore ? Peut-être qu’avant tout, elle veut que sa souffrance soit prise au sérieux pour faciliter son rétablissement. Et si c’est cela, pourquoi est-ce si rare d’entendre un sincère « je suis désolée » ?

Des milieux plus humains, est-ce possible ?

Je crois aussi qu’il est important de se rappeler que nous sommes tous uniques. Chaque personne vit les situations différemment. Même si je ne comprends pas exactement pourquoi une parole ou un geste a blessé une autre personne, cela ne signifie pas que son ressenti est invalide. Valider ce ressenti, l’accueillir et le reconnaître, c’est respecter cette unicité et créer un espace sûr pour la personne.

Je crois enfin qu’il est essentiel de cultiver l’humilité. En tant qu’êtres humains, nous pouvons tous faire des erreurs. Peut-être que l’essentiel n’est pas de les éviter à tout prix, mais de savoir les reconnaître, chercher à réparer et apprendre à mieux faire ensuite. Je rêve d’un jour où les personnes diront « je me suis trompée » sans avoir l’impression de perdre leur valeur, mais comme un geste humain, tout simplement.

Il est urgent que les milieux institutionnels, qu’ils soient de santé, d’éducation ou communautaires, révisent leurs approches et leurs procédures afin de devenir réellement bienveillants et accueillants envers la diversité infinie des fonctionnements humains. Reconnaître la parole des personnes autistes, valider leurs perceptions, prendre au sérieux leur souffrance et apprendre à dire « je suis désolée », c’est déjà un pas vers la réparation et pour favoriser leur bien-être.

Lucila Guerrero

Paire aidante et collaboratrice de recherche

Autrice et militante pour la reconnaissance positive des personnes autistes

Soutien à la recherche participative dans le projet Continuum Autisme (UQAT)

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