Art / Autisme / Neurodiversité · février 27, 2017

«Bon, si tu es autiste, la prochaine fois tu sortiras de ma classe»

 

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Voici l’histoire d’un jour de classe. La place : une école de quartier.

L’enseignante était absente, nous allons nommer, Monsieur-R., le remplaçant.

Le groupe est calme normalement, motivé à travailler et habitué à une enseignante encourageante, accueillante et ferme quand il le faut.

Le temps dans la classe se passait à travailler, chacun individuellement. Celui qui terminait la tâche pouvait passer à une autre activité libre. Lire par exemple.

Une fille a été réprimandée pour ne pas être si vite que tout le monde. Pour la défendre, un élève avait affirmé « mais, elle n’est pas comme tout le monde».

L’élève en question, musicien, pianiste, guitariste et percussionniste, tapait le rythme d’une chanson avec ses mains sur la table. Un geste presque inconscient qu’il fait souvent au quotidien.

Hey! dit Monsieur-R à la surprise de l’enfant. Dis-moi pourquoi tu tapes ?

Surpris, l’élève ne savait pas quoi répondre.

«Pourquoi je tape?» il ne s’était jamais demandé. Dans sa pensée logique et amateur de l’exactitude, il fallait du temps pour trouver la bonne réponse à cette question existentielle (pour lui).

Il n’a rien dit alors que dans la confusion de sa pensée il cherchait encore les mots pour expliquer son geste.

Monsieur R insistait «Dis-moi, pourquoi? Pourquoi tu fais ça?»

Les amis ont dit «Il est autiste monsieur»

L’élève a dit finalement «c’est vrai, je suis autiste»

Pour lui c’était réglé. Soulagé, il croyait que Monsieur-R allait surement comprendre qu’une pensée autistique doit souvent décoder et analyser et que c’est difficile d’expliquer ce qui se passe dans l’intérieur.

Pourtant non.

«Bon, si tu es autiste la prochaine fois tu sors de ma classe», a répondu Monsieur-R.

L’élève est sorti immédiatement. Dans son passé, il a connu d’autres histoires. Il avait un peu appris sur le respect et les droits. Il avait un peu appris à se défendre respectueusement. Dans cet imprévu, sans savoir le dire en mots, intuitivement il sentait qu’il y avait quelque chose de mal.

Deux amis sont sortis aussi après lui pour l’accompagner dans le corridor. L’un de deux avait pleuré quelques minutes avant parce qu’il avait été expulsé de la classe par une autre raison.

Monsieur R est venu les faire rentrer. En se plaçant derrière, il a entouré l’autiste avec ses bras, sans faire du mal, pour le guider vers la classe pendant que l’élève se disait «pourquoi il me touche s’il ne me connait pas?»

Aucun mot d’explication juste un «Assis toi»

***

Jusqu’à ce point, l’histoire telle que j’ai compris. L’élève autiste est mon fils. Il est venu à la maison à l’heure du diner. Il m’a raconté calmement ce qui s’est passé pour valider sa perception.

«S’il m’avait dit : arrête de taper s’il te plaît, je l’aurais fait tout de suite»

Il voulait aller tout seul à la direction bien que je lui ai offert de l’accompagner. Mon premier réflexe a été d’écrire un courriel à l’école. La direction m’a répondu vite et je suis très reconnaissante pour le soutien et l’intervention. Une rencontre s’est faite l’après-midi. Monsieur-R s’est excusé après dire qu’il n’avait jamais eu auparavant des problèmes dans son parcours.

Pour mon fils, tout est terminé. Il ne voulait que la paix avec le monsieur et pour toute la classe.

Pour moi, la mère, l’artiste engagée et l’autiste, l’histoire doit se connaitre. Ce n’est pas important le nom de l’école ni la personne. Ce sont les faits qui comptent. Parce qu’aucun élève ne doit entendre ce type de réponse. Aucun élève ne doit être discriminé à cause de sa façon d’être, son aspect physique, sa culture et autres.

Dans ma petite famille de deux, nous avons traversé en 2013 la période la plus difficile de nos vies. Un soir du mois de décembre, avant de dormir, j’ai entendu la voix de mon fils me demander en pleurs «maman, lance-moi par le balcon, je veux mourir parce que la vie n’est pas belle». À l’époque, il avait subi une suite d’interventions inadéquates et des malentendus dans une autre classe désorganisée. Son estime de soi était brisée. Il s’en remet encore.

De reproche en reproche, n’importe quelle personne pourrait finir pour croire qu’elle n’est pas capable et décrocher. Dans ses études, son travail. Sa vie.

Je suis fière de voir mon enfant capable de régler son problème par le pacifique et qu’il a su gérer ses émotions. Nonobstant, je lis des histoires d’autres familles d’élèves à besoins particuliers qui parlent des situations semblables. Ces témoignages, parfois, restent dans le silence par peur des représailles ou parce simplement les parents ont déjà trop de responsabilités comme charge et ils se retrouvent sans forces pour entamer encore une autre bataille.

Je sais que, heureusement, ce n’est pas la majorité. Je sais qu’il a des professionnels excellents dans le milieu de l’éducation. Je veux croire que la plupart de ces cas sont l’une des conséquences de la manque d’information.

Ces situations ne devraient jamais exister. Tout élève, de tout profil, a le droit d’être respecté dans son fonctionnement. En groupe, cette diversité représente une réalité de notre richesse humaine que nous devrions célébrer.

Je ne cherche pas à juger, juste à réfléchir.

Lucila Guerrero

PS : Merci à l’école et toute personne qui m’a contacté pour offrir du soutien, je ne me sens plus seule

À lire l’entrevue de Luka pour Radio Canada:

http://www.rcinet.ca/es/2017/04/27/el-mundo-a-traves-de-los-ojos-de-luka/

 

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